mardi 30 décembre 2014

Selected Scene #1 : Hikaru no Go - La partie sur internet


Je suis un assez gros lecteur de manga. Il y a un grand nombre de manga que j'apprécie, mais j'ai toujours été frustré de ne pas savoir comment parler de certaines œuvres. Souvent, les mangas que je lis, aussi intéressants (ou non) soient-il, ne permettent pas d'approfondir assez une thématique ou une problématique pour en parler dans un KOMA, ni même de faire le sujet d'une critique sur ce blog.
Selected Scene est un compromis, une façon pour moi de traiter de mangas dont je n'aurais su parler sous une autre forme.
L'idée est simple : j'essaierai d'isoler une scène précise dans un manga, et de comprendre en quoi celle-ci se détache de l'oeuvre, pourquoi elle me parait intéressante, et comment elle s'inscrit, ou s'écarte du manga, en mettant l'accent sur la mise en scène elle-même.

Premier épisode donc, sur Hikaru no Go.



Je ne suis pas un grand amateur de Hikaru no Go. Je préfère prévenir.
L'introduction semble un peu brutale, mais si il faut vraiment être honnête, je dois aussi avouer que j'ai lu la série il y a peut-être 6 ou 7 ans maintenant. Il est possible que mes goûts aient assez évolué pour apprécier aujourd'hui ce qui me semblait être limité à l'époque. Mais il se peut aussi qu'une relecture confirme ma position sur l'oeuvre...

Laissons de côté mon ressenti global sur le manga. Je me rappelle que lors de la première lecture déjà, j'ai été particulièrement intrigué par la scène dont il est question ici : la partie sur internet. Scène que j'ai relu il y a peu par curiosité.



Pendant tout le manga, le Go est mis en avant, des matchs sont joués, entre divers personnages, avec des rebondissements plus ou moins attendus, comme tout manga de compétition classique.
Lors de cette scène en particulier, l'esprit du plus grand joueur de Go que le monde ait connu, au travers du héros, joue contre le meilleur joueur actuel.
La relation entre Sai (l'esprit), et Hikaru (le héros), est sensée rester secrète. Ainsi, quand l'idée de faire une partie sur internet est lancée dans le manga, celle-ci est accueillie par les personnages, comme par le lecteur comme une astucieuse pirouette scénaristique.
Et effectivement, l'idée est astucieuse. Géniale même.


L'auteur se sert de la simplicité de l'affrontement en exprimant une certaine fantaisie dans les dessins et dans la mise en page. Vu qu'une confrontation sur internet est abstraite en soit, la mise en scène devient totalement libre, tant sur les plans choisis que sur la symbolique des dessins. Et malgré toute cette liberté, le lecteur ne se perd pas. Car il garde en tête le déroulement de la partie, grâce aux observateurs.


Dans beaucoup de shonen/nekketsu, l'auteur se confronte à un dilemme évident : comment faire en sorte que les scènes d'affrontements ne soient pas que des scènes d'affrontements, et comment faire passer les messages et les subtilités sans casser le rythme de l'affrontement lui-même.
Deux solutions s'offrent à lui : ralentir au maximum l'affrontement pour faire en sorte que les adversaires se parlent à eux-même, ce qui donne des situations souvent décriées comme les phases de monologues intérieurs d'un joueur dans Captain Tsubasa, le temps d'une passe.
Ou bien, et c'est la solution qu'on retrouve le plus souvent maintenant : faire un maximum de personnages témoins, qui s'occuperont de commenter à la place du mangaka.
On les connait tous : le maître, le meilleur ami, le rival, le novice... ils ont tous un rôle et donc un point de vue différent sur l'affrontement.



Exemple random :
Le novice : "Quoi ? Comment a-t-il fait pour frapper la balle, je ne l'ai même pas vu tellement elle était rapide !"
Le maître : "Tu manques d'entrainement, la balle était rapide oui, mais l’œil de [héros] l'a vu lui"
Le novice : "Quel sang froid..."
Le rival : "Toujours rester calme, ne jamais rien lâcher... telle est la force de [héros]... l'enfoiré... il n'a pas changé !"

Grâce à ces observateurs, le mangaka peut faire passer absolument n'importe quelle information ou ressenti durant un affrontement, quel que soit le domaine ou l'enjeu.
Malheureusement, ce procédé fait faux.
Les observateurs semblent omniscients, le rythme de l'affrontement est tout de même biaisé, les répliques de chaque personnages sont téléphonées...



Dans la scène de la partie sur internet, les observateurs ont cette légitimité que l'on retrouve rarement dans les autres shonen. En effet, même si tous les rôles sont présents (rivaux, amis, novices...), le simple fait que l'observation se fasse au travers d'un ordinateur (et souvent en groupe) rend logiques les interactions entres les observateurs, car eux-même doivent passer par un décryptage entre l'écran et l'avancée de la partie.

Une scène très intéressante donc, car même si le lecteur ne connait pas les règles du jeu de Go, les commentaires légitimes qui sont proposés lui permet de suivre l'intensité et les enjeux de la partie, grâce à une mise en scène et une représentation graphique fine et intelligente.



Musique écoutée pendant la rédaction.
OST Echoes of Time



samedi 18 octobre 2014

Spotlight OFF : Edea Kramer




J'ai très longtemps hésité avant d'écrire sur un personnage de RPG. Non pas que ça ne m’intéresse pas, au contraire. Mais j'ai tout de suite compris quels seront les pièges et les problèmes. Contrairement à des personnages tirés d'autres jeux moins "profonds", il y a beaucoup de choses à dire sur ceux de RPG, trop en fait. Trouver un axe intéressant et original, qui ne serait pas déjà traité ou sous-entendu dans le jeu lui-même est donc compliqué.
J'ai refait Final Fantasy VIII il y a quelques temps (plus je le refais, plus je l'apprécie), et tout au long du jeu, deux personnages m'ont particulièrement intéressé : Edea et Laguna (Ultimecia aussi en fait, mais la piste de la fameuse théorie est très glissante).
Du coup j'ai longtemps hésité entre les deux personnages, car je savais que tous deux avaient vraiment quelque chose en plus que les autres, comme une seconde lecture particulièrement intéressante. Ce qui m'a fait penché pour Edea, c'est tout simplement ma fascination pour le mythe de la sorcière, dont j'avais déjà parlé dans l'épisode sur Cauldron (ICI). Les références culturelles, les inspirations historiques,... j'en ferai peut-être un Fabula un jour. Le nombre de jeux reprenant ce mythe est assez fou, mais très peu se posent des questions sur la véritable signification de la sorcière, et des jeux comme Bayonetta vont même jusqu'à tenter de prendre le mythe à contre pied, alors que plus que jamais, ils alimentent l'une de ses plus vieilles attributions : le sexisme.

J'avoue avoir joué un peu avec le feu en choisissant un FF pour ma première expérience de Spotlight sur un RPG, les templiers de la série étant très nombreux et surtout très virulents quand on s'attaque parle de détails. J'espère ne pas avoir à subir leur courroux, et si tout se passe bien, je reviendrai peut-être sur la série d'ici quelques épisodes ; un personnage de FFV m'intéresse tout particulièrement... En fait je considère la vidéo entière comme un test, si les gens en sont satisfaits, j'arrêterai de me priver des RPG dans ma recherche de sujets.




Script de l'épisode : 
[Ce texte est mis à libre disposition, j'autorise toute reproduction ou réutilisation, partielle ou totale, 
à raison d'un simple respect de la source.]

En 1999, alors que Matrix sort en salle, et qu'Ariane 5 envoie l'observatoire XMM-Newton autour de la terre, la science fiction continue d'inspirer un grand nombre de créateurs de jeux vidéo.
Après s'être intéressé au thème dans FF7, Squaresoft assume ainsi ce parti-pris 2 ans plus tard avec FF8. Deuxième épisode en 3D de la série, l'histoire se base sur des voyages temporels, et apporte ainsi une certaine complexité scénaristique.
Cependant, toute la première partie du jeu se basera sur une intrigue plus classique, où un groupe de mercenaires tentera d'éliminer une figure politique : la sorcière Edea.

Conçu d'abord pour intégrer Final Fantasy 7, Testuya Nomura s'inspire du deuxième chara-designer de la série, Yoshitaka Amano, pour créer le personnage. Courbes, spirales, accessoires multiples, le style graphique ne trompe pas, et son intégration dans FF8 crée ainsi un réel décalage. Edea se démarque alors déjà du reste des personnages, en mettant en opposition deux univers graphiques, et donc deux périodes de la série Final Fantasy.

Dans le scénario, Edea se retrouve confrontée aux héros après avoir été possédée par une autre sorcière venue du futur. Et même si elle est la première grande antagoniste féminine dans l'histoire de la série, elle continue à perpétuer la tradition du vrai et du faux méchant. Ce procédé scénaristique est bien connue des RPG japonais, et particulièrement de la saga FF. L'idée étant de présenter un premier ennemi au joueur, tout en lui faisant comprendre qu' il ne sera pas celui qu'il combattra à la fin du jeu.
Cette tradition étant très ancrée, le but des scénaristes n'est alors plus de faire en sorte de piéger le joueur, mais plutôt de lui faire se poser des questions sur la nature du coup de théâtre.
Mais si son implication dans le scénario était prédestiné, Edea Kramer semble déjà assumer un rôle à part dans la vision souvent manichéenne du RPG japonais.
Car en plus de se repentir des crimes dont elle n'est pas coupable, le joueur collaborera avec elle, et ira même jusqu'à l'avoir dans son équipe, pour une courte période.

Ainsi, au travers de son rôle scénaristique, Edea fait comprendre au joueur la cruauté du scénario.
Mais cette deuxième lecture sera d'autant plus importante dans les versions occidentales du jeu. Car si l'image de la sorcière est très ancrée dans notre culture, il se trouve qu'une fois au japon, toute sa symbolique n'existe plus.
En europe, la sorcière est inconsciemment liée à son lot de stéréotypes, qui existent depuis l'inquisition. Nez crochus, pustules, il est évident qu'Edea se détache de cette image, mais pour un joueur occidental, sa simple appellation de sorcière en fait déjà un personnage décalé dans un univers qui tend clairement vers la science fiction. Et si ce décalage est dû à un écart culturel plus qu'au scénario lui-même, c'est ce même scénario qui va prendre une autre dimension une fois sorti des frontières du japon.
Pendant tout le jeu, les sorcières évoqueront la crainte de la part des personnages, jouables ou non. Et lorsque les sorcières sont prises pour cibles à plusieurs reprises dans le scénario, comme c'est le cas pour Edea, notre culture peut alors nous rappeler l'absurdité de la chasse aux sorcières du XVIeme siècle.

Et si le jeu se détache quelques temps de la tradition manichéenne, c'est en partie parce qu' Edea est un personnage double, mais surtout parce qu'elle fait se poser des questions au joueur quant à la moralité de sa mission.

A la fin du jeu, le joueur comprend que toute l'intrigue est basée sur une boucle temporelle. Les événements finaux étant aussi ceux qui déclenchent l'intrigue principale du jeu.
Et si il aurait été facile de mettre en cause un événement aléatoire, indépendamment des personnages, il se trouve que c'est Edea qui se retrouve au centre de cette boucle. En plus de lever le voile sur la complexité du scénario, le joueur se rend ainsi compte de l'importance d'un personnage sensé s'effacer au milieu du jeu. Edea Kramer n'est alors plus qu'un simple faux méchant ou une simple sorcière, mais un personnage omniscient, conscient du passé et du futur des protagonistes.
Manipulé, désinformé, le joueur se rend compte que les clés du scénario qu'il a suivi se trouvaient entre les mains du personnage depuis le début.
Mais rien dans le scénario du jeu n'expliquera clairement la raison pour laquelle Edea garde son savoir secret.
Et ce qui n'est sans doute qu'une facilité scénaristique fait d'Edea Kramer un des rôles les plus énigmatique de la série Final Fantasy.

Conçu et créée par une tradition de la série, Edea Kramer est à la croisée de deux visions graphiques, mais aussi de deux cultures.
Perçue d'abord comme un premier ennemi traditionnel, son implication scénaristique en fait un personnage à part, et la culture du joueur occidental en fera même la représentante d'un scénario complexe, dans son intrigue et dans sa thématique.
Parfois, l'exportation d'un jeu vidéo prendra compte des traditions et de l'histoire du pays ciblé, permettant ainsi d'adapter le scénario à la culture du joueur mais rarement l'exportation d'un jeu aura donné plus de crédibilité à un personnage que dans sa version d'origine.


Lien de l'épisode : https://www.youtube.com/watch?v=aCR_hkFSWx4


Musique écoutée pendant la rédaction.
L'OST de FFVIII, du coup.

mercredi 9 juillet 2014

Pourquoi il faut lire Glaucos

Avant tout, je tiens à remercier les personnes ayant pris la peine de commenter mon dernier article sur Bakuman. Des commentaires intéressants et argumentés comme on aime en lire. 
Merci à vous.
En plus de cela, je vous met le lien de cette playlist très astucieuse qui accompagnera à merveille la lecture de l'article d'aujourd'hui : ICI (Avec plein de pistes dedans, au cas où vous soyez un très mauvais lecteur, ou prompt à faire de nombreuses pauses pipi.)



GLAUCOS

2003 - 2005
4 tomes (fini)
Scénario et dessins : Akio Tanaka (Coq de Combat, Meisou o Border...)
Style : obscurité, silence et contemplation.






"Et bien dans un de mes mangas préférés, les meilleurs scènes, c'est quand il fait presque noir, et que personne ne parle, et que le héros il bouge pas !"

Personne ne vendrait un manga comme ça pas vrai ? Bah c'est pourtant un peu ce que je vais faire.


Couverture du premier tome,
qui représente bien l'esprit de la série.
Si je devais faire un listing express des mangas m'ayant le plus marqué cette dernière année, Glaucos serait sûrement un des premiers qui me viendraient en tête.
J'ai souvent tendance à privilégier les séries courtes ou les one-shots dans mes choix de lecture. Déjà parce que je préfère m'assurer qu'un manga soit fini avant de le commencer (l'exception du moment étant Kuroko's Basket, j'en parlerais peut-être une autre fois), et aussi parce que j'ai tendance à croire qu'il est plus simple pour un auteur de construire une histoire cohérente sur un nombre de tomes réduits. Glaucos étant une série en 4 tomes, ça a été un gros argument dans ma décision d'emprunter la série à ma bédéthèque.

En une phrase : Glaucos parle d'un jeune homme nommé Cisse, apparemment naturellement doué pour la plongée en apnée, qui va faire la rencontre d'un ex-plongeur français qui va l’entraîner.




En plongée, même la compétition
est une affaire de lutte intérieur.
Au vue du résumé, on a tendance à s'imaginer alors un shonen faussement déguisé, mais il n'en est rien. Glaucos, au lieu de se fixer sur la compétition pure et dure, va surtout décrire le sport d'un point de vue très personnel. En fait, je dirais que c'est souvent la principale différence entre le "shonen" et le "seinen" sportif ; le shonen mettant l'accent sur la compétition et l'adversité entre les personnages, le seinen se fixant sur l'évolution personnelle et souvent psychologique du héros.

Et là où on pourrait penser que le thème de la plongée en apnée manque un peu de mordant, ou pourrait faire défaut face à la curiosité du lecteur, on se rend en fait compte que le sport en question met parfaitement en avant cet aspect solitaire et intérieur de la performance.
Esprit d'équipe, puissance, vitesse et technique d'un héros combatif... rien de tout cela n'est présent dans ce manga pourtant sportif. Ici, le combat du corps se déroule à l'intérieur même du corps.





Mais le manga en tant que support lui, qu'est ce qu'il apporte à cela ? 
Les codes graphiques du manga, le découpage dynamique des pages, les effets de mouvements qui soulignent la mise en scène, tout cela sonne comme une évidence quand un personnage tape dans un ballon, donne un crochet du droit, ou attrape une balle.
Dans un manga ou l'action domine, toutes les astuces graphiques sont bonnes pour tenir le lecteur en haleine. Et pourtant, dans Glaucos, c'est au travers du silence graphique que le suspense apparaît comme une évidence. Dans Glaucos, sans être absente, l'idée de mouvement devient implicite. Quand Cisse plonge, le mouvement n'est plus attendu, au contraire, il est presque craint.

Un entraîneur, des rôles témoins...
Une mise en scène connue,
 mais ici au service de l'immobilité.
Même les néophytes comprennent très vite que le calme et le sans-froid régissent le sport dont il est question. Et pendant les longs moments où le héros se retrouve sous l'eau, le lecteur se surprend à craindre que le calme des cases soit interrompu.
Une sensation insolite pour un tel support. Des auteurs comme Taniguchi nous on certes habitué à l'exploit sportif personnel et humain, avec des œuvres comme Le Sommet des Dieux ; mais rarement un manga aura emmené aussi loin le lecteur dans l'angoisse du sport décrit.



Dans Coq de Combat,
corps = mouvement + torsion

Il est d'ailleurs intéressant de noter que l'auteur, Akio Tanaka travaille aussi en tant que dessinateur pour la série Coq de Combat, un manga mettant en avant le corps humain au travers de la violence.
Au delà de l'évidente différence de traitement du mouvement entre les deux œuvres, on remarque dans Glaucos une forme de contemplation de ce même corps, mais dans sa forme la plus calme et la plus paisible, là où Coq de Combat soulignait la torsion et la déformation.





La maîtrise du noir décrit l'océan
à la perfection.
Ce calme, cette sérénité, se traduit aussi par un environnement assez bluffant. La documentation est parfaite, les jeux de lumières dans les eaux peu profondes nous fait découvrir des pages pleines de récifs et de coraux extrêmement détaillés. Et quand Tanaka (et surtout ses assistants) ne dépeignent pas un magnifique paysage sous-marin, c'est l'obscurité la plus totale - et donc la plus fidèle - des eaux profondes qui vient faire basculer le lecteur dans une sensation paradoxale, entre malaise et fascination.


A noter aussi l'équilibre parfait dans lequel s'inscrit le scénario : entre le fond de légende du Pacific, et la vision scientifique et médicale de l'activité, qui vient confirmer notre respect pour les compétences du héros.







Glaucos est un manga contemplatif. On commence à le lire intrigué, puis on se rend compte à quel point de "simples" dessins de l'océan peuvent nous faire comprendre la fascination que certaines personnes lui vouent : des plongeurs qui mettent leur vie en danger pour se sentir au plus près du silence parfait. Puis après avoir contemplé cet océan, ce sont ces plongeurs qui nous fascine à notre tour.
Il était légitime de douter de l'intérêt du manga dans la description de la plongée en apnée, mais mieux que quiconque, Akio Tanaka a su prendre à contre-pied les codes du manga sportif classique pour nous en livrer une peinture parfaite, et parfaitement humaine.





Ma note : 4xLisezLe/JacquesMayol
Rufio.

Musique écoutée pendant la rédaction.
A Secret Sleeping in the Deep Sea de Final Fantasy VII,
 parfaite pour l'ambiance.

jeudi 3 juillet 2014

Mon problème avec Bakuman





BAKUMAN

2008 - 2012
20 tomes (fini)
Scénario : Tsugumi Oba (Death Note)
Dessins : Takeshi Obata (Death Note, Hikaru no Go, All You Need is Kill...)
Style : nekketsu mal déguisé et frileux.





Le crayon d'Obata n'a plus rien
à prouver à personne.


Il y a quelques mois j'ai lu l'intégralité des Bakuman. Je n'avais jamais entendu parlé du manga avant, et quand j'ai vu puis feuilleté les premiers tomes, j'ai été plutôt charmé. Des dessins d'Obata (que je ne voyais pas encore partout à l'époque), et surtout, un thème très intéressant, celui de l'édition du manga.
En très résumé, le scénario nous présente deux personnages voulant devenir mangaka. L'un étant dessinateur, et l'autre scénariste (comme les réels créateurs du manga en fait).

Bakuman est une assez bonne série. Le scénario possède quelques bonnes idées, la qualité technique est presque irréprochable... Malgré cela, j'ai été assez déçu au fil de ma lecture.

Avant tout, le manga est un gros paradoxe : "parler de l'édition japonaise, en étant soit-même édité par la société dont on parle"... j'ai voulu croire à un coup de massue, à une polémique, à des couilles posées sur une table.
Mais non.



Pour faire bref, l'édition des manga au japon (et particulièrement des shonen) fonctionne ainsi : l'éditeur contrôle ce qui est dessiné, au point d'être un véritable deuxième scénariste, et les lecteurs votent régulièrement pour leur série préférée au sein du magazine, ce qui décide de l'arrêt ou de la poursuite des séries.
Deux problèmes donc : le mangaka n'est pas propriétaire de son oeuvre et une trame scénaristique sera toujours dépendante du goût des lecteurs, et souvent bancale sur la fin à cause de l'épée de Damoclès sur la tête du mangaka.
Bakuman expose souvent ces problèmes. Certains personnages viennent défier ce système, d'autres essaient de le contourner. Bref, le manga pose clairement les bonnes questions.
Le problème c'est qu'il répond à côté de la plaque.

Là où un boulevard était tracé pour critiquer ce système dégueulasse, les auteurs décident frileusement de jouer la carte du courage, de la volonté et de la passion de leur deux héros :
C'est dégueulasse d'être traité ainsi !... Mais quand même, heureusement qu'on a la passion et l'envie de plaire au public.

Et c'est là où le bât blesse : un sujet intéressant et plutôt didactique vient se perdre dans les marécages du shonen de base. Des héros, un but, des rivaux, de la volonté... Le manga se transforme petit à petit en une caricature de ce dont il comptait parler, une simple transposition de codes sur un thème un peu original.

Evidemment que ça marche de transposer ces codes à n'importe quoi : Naruto et les ninjas, Toriko et la cuisine, Kuroko et le basket... Ces codes mettent en avant l'idée même du climax et de l'opposition de personnages, il est logique que cela fonctionne auprès des lecteurs qui ne peuvent lire qu'un chapitre par semaine (je parle bien des lecteurs japonais qui lisent en prépublication dans les magazines en question).

Certains diront à raison qu'on "ne peut pas mordre la main qui nous nourrit", que des auteurs ne peuvent pas critiquer le système d'édition dont ils font parti... bla... bla...
Mais si ils ne peuvent pas, c'est justement parce que le système d'édition japonais ne laisse pas ce genre de liberté. Il est donc paradoxal de s'attaquer à un sujet du genre sans pouvoir aller jusqu'au bout.
Quitte à être pieds et poings liés, autant ne pas nous teaser avec des personnages qui ont raison de critiquer le système.

Parfois, héros et personnages secondaires se révoltent
...le temps d'un chapitre.




"Frileux" : c'est donc le premier adjectif qui me vient en tête quand je dois décrire Bakuman. Frileux dans sa volonté critique, mais aussi dans ses idées. Car même si il y en a des bonnes, encore une fois, on aurait pu espérer en voir plus.

Classroom of Truth : 
un manga à l'intérieur du manga.
Parler d'un manga qui traite de la création de manga amène à opposer des auteurs, et surtout des dessinateurs. A un moment dans le manga, les héros lisent le chapitre d'un concurrent en entier, et celui-ci prend donc la place du manga lui-même en pleine page. Une mise en abyme géniale. Mais malheureusement unique.

La mise en abyme, voilà un autre chemin qu'aurait pu (dû ?) prendre Bakuman. Là encore, un éventail gigantesque de possibilités s'offrait aux auteurs. Il est extrêmement frustrant de voir les personnages se multiplier dans le scénario - surtout quand tous sont des mangaka - sans pour autant lire leurs œuvres. Les différents mangaka ont chacun leur projet au sein du scénario, mais le lecteur de Bakuman ne profitera de leur création que par le biais de portraits de leurs héros respectifs, lors de comparatifs de popularités ou autres.





De plus, il était évident qu'avec un thème comme celui-ci, le nombre de bulles à lire serait important. Peu de scène peuvent être décrites uniquement visuellement. Ce n'est pas une mauvaise chose en soit, mais on se rend vite compte qu'on peut tout comprendre de l'histoire en ne lisant que les bulles, les dessins n'étant là que pour décrire les sentiments (excessifs) ou les mises en scène (exagérées) des personnages. Et ce défaut se fait encore plus ressentir avec ce manque de mise en abyme.

Ici, les codes du manga ne servent pas l'action
mais des réactions excessives et trop nombreuses.


Finalement, si Bakuman ne souffrait pas de ces défauts pendant 20 longs tomes (et au vu du nombre de bulles, un tome est vraiment très long à lire), c'est un manga que j'aurais conseillé. Il est malgré tout didactique et en apprend beaucoup sur le monde de l'édition des mangas.
Il est cependant dommage que le lecteur doive lire entre les lignes pour comprendre à quel point le système d'édition japonais est mauvais. Car qui mieux que des mangaka auraient pu critiquer le monde du manga.

Ma note : 3 ouistitis²/B

Rufio.

Musique écoutée pendant la rédaction.
Absolument rien.

lundi 23 juin 2014

Spotlight OFF : Monty Mole




Je jouais beaucoup à l'Amstrad CPC quand j'étais petit. C'était ma première machine.
En fait, beaucoup de jeux m'ont énormément marqué, comme Jet Set WillyGreen Beret ou Sapiens.
Après avoir traité de pas mal de personnages de jeux de combat, je me suis dit qu'un retour aux sources me ferait pas de mal, comme je l'avais fait justement pour Willy de Manic Miner dans le deuxième épisode.

Avant de faire des recherches sur un éventuel personnage de cette époque à traiter, j'ai d'abord fouillé dans mes souvenirs, et un screen me revenait à l'esprit, celui de "Au Revoir Monty". Je mentirais si je disais que c'était un des jeux auxquels j'ai le plus joué. En fait, je me rappelle que le jeu buggait souvent, et à l'époque, le temps de chargement d'un jeu sur un Amstrad à cassettes allait de 30 minutes à 1 heure. Du coup, j'ai rarement eu la foi d'essayer de lancer ce jeu.
Mais je me rappelais du screen de chargement, qui était vraiment magnifique ; en fait, c'était l'image juste au dessus (Monty dans son avion), mais en version Amstrado-pixelisé. J'ai du attendre un bon bout de temps avant de savoir que Auf Wiedersehen Monty (vu que c'était ça le vrai nom) faisait partie d'une série. Je m'étais jamais demandé pourquoi le personnage s'enfuyait en avion, ni pourquoi il était poursuivi par des flics de différents pays sur le screen en question ; en fait, on se posait pas beaucoup de questions sur les scénarii à cette époque.

J'aime beaucoup parler des jeux de l'époque micro, parce que je peux me permettre de glisser un ou deux mots sur les créateurs, qui étaient souvent en équipe réduite, voir seul, comme Matthew Smith pour Manic Miner. Ici, l'épisode se fixe évidemment sur ce qu'il y a autour du personnage. Je sais pas si ce genre de rapport entre jeu et contexte politico-social pourrait être aussi important de nos jours, et c'est pour ça qu'il est intéressant de se pencher sur les jeunes développeurs de cette époque, même si les infos et les preuves restent dures à trouver aujourd'hui sur la toile.

Les plus attentifs auront remarqué que je me suis permis d'ajouter de la musique pour cet épisode. En fait, j'ai eu un gros problème une fois le montage fini, vu que la totalité des extraits de gameplay utilisés ne comportaient pas de musique (période micro oblige), la vidéo faisait vide, même avec les bruitages habituels. Mais bon, je ne suis pas déçu de l'habillage sonore. Et je continuerai peut-être à mettre ces musiques dans les prochains épisodes.




Script de l'épisode : 
[Ce texte est mis à libre disposition, j'autorise toute reproduction ou réutilisation, partielle ou totale, 
à raison d'un simple respect de la source.]

En 1984, alors que le Shonen Jump publie le premier chapitre de Dragon Ball, et que la mort de Paul Dirac prive le monde d'un des plus grands génies scientifiques du 20e siècle, le jeu vidéo continue à faire naître de nouvelles vocations.
De plus en plus de créateurs se lancent dans l'aventure, et de nouveaux développeurs rentrent sur le marché. C'est le cas de Ian Stewart et de Kevin Norburn, deux anglais, gérants d'un magasin de logiciels. En association avec un de leur plus fidèle client, Pete Harrap, ils créent Gremlins Graphics, et se penchent alors sur la création d'un jeu sur ZX Spectrum et Commodore 64.

Pete se retrouve alors chef de projet, et en tant que fils de mineur, il propose à son équipe d'explorer ce thème dans un jeu de plate-formes. Seulement, ils appréhendent l'idée d'être comparés à l'excellent Manic Miner, sorti un an plus tôt, qui décrivait déjà le monde sous-terrain sous cet angle. Et pour de ne pas souffrir d'un éventuel rapprochement, Pete évoque son envie de se démarquer, en jouant sur une plus grande diversité des tableaux.
Ainsi, afin de répondre à cette contrainte, l'équipe réfléchis à un héros prenant en compte cette idée, en s'adaptant à l’alternance entre profondeurs et surface. Monty Mole était né.
Car si la taupe est effectivement un animal connu pour sa capacité à vivre sur et sous terre, celle-ci peut aussi facilement prendre une forme humanoïde, faisant de Monty une mascotte logique.

Dans Wanted Monty Mole, Monty cherche à récupérer un seau de charbon pour sa famille. Une quête noble, qui se heurtera cependant aux événements sociaux de cette année.
Car bien loin des questionnements de Gremlin Graphics, l'année 1984 marquera surtout l'Angleterre par les grèves des syndicats des mineurs. Et si à première vue, très peu d'éléments lient les deux événements, il se trouve que le mouvement jouera un rôle important dans le développement du jeu.
Suite au projet de fermeture de 20 mines de charbon, les grèves bénéficieront d'une forte exposition médiatique, et Gremlins Graphics sautera sur l'occasion pour adapter le développement de Monty aux événements.

Ainsi, Pete Harrap proposera l'idée d'insérer dans Wanted : Monty Mole un certain nombre de références au mouvement syndical, en allant jusqu'à introduire le personnage d'Arthur Scargill, un des réels dirigeants du mouvement de l'époque en tant que dernier ennemi du jeu.
Souvent accusé d'avoir lancé la grève sans passer par un vote, celui-ci sera aussi soupçonné d'accéder de manière frauduleuse à la tête de l'Union Nationale des Mineurs.
Et si Monty ne devait être qu'un simple héros vivant une aventure personnelle, les changements apportés au jeu feront de lui une véritable caricature des événements. Motivés par le succès de Wanted Monty Mole en tant que satire, l'équipe Gremlins Graphics décide d'assumer ce parti-pris dans la suite de la série.

Ainsi, en 1985 sort Monty is Innocent et Monty on the Run. Dans le premier, Monty se retrouve emprisonné pour avoir volé le seau de charbon et devient un simple personnage secondaire, le rôle du héros étant laissé à son ami Sam Stoat, venu le délivrer.
Dans le second, Monty fuit la police et ses responsabilités en tentant de s'expatrier, et l'image du héros fier et de sa quête noble semble alors déjà s'estomper.
Mais c'est en 1987, avec la sortie de Auf Wiedersehen Monty que le personnage abandonne toute volonté de noblesse. Dans cet épisode, Monty parcours l'Europe pour se faire un maximum d'argent, dans le but d'acheter une île en Grece. Ici, plus question de braver les dangers pour aider les siens, le personnage en oublie même sa famille, ne pensant qu'à son propre confort.

Monty a des problèmes judiciaires, il devient pingre et égoïste. Son comportement n'a plus rien d'héroïque, et Gremlin Graphics affirme totalement la caricature entamée avec Arthur dans Wanted Monty Mole. La taupe ne répond plus alors qu'à un soucis de gameplay, mais aussi à une symbolique forte : celle de l'animal aveugle, et ici aveuglé par l'argent et la corruption.
Et finalement, même si l'équipe de développement a cherché à s'éloigner de son rival naturel Manic Miner, c'est par ces choix et cette volonté critique que les deux séries se ressemblent le plus.

Officiellement, la série se conclura par deux épisodes anecdotiques : Moley Christmas et Impossamole. Ici, plus question de satire, le premier étant un jeu promotionnel pour le magazine Your Sinclar. Le second lui n'était plus développé par GG, et mettait en scène un nouveau Monty sous les traits de super héros.
Et si on peut officiellement parler de la mort du personnage à cette époque, il reste intéressant de noter qu'un remake japonais de Monty on the Run a vu le jour sur Famicom. Ici, Monty n'est plus une taupe, mais un prisonnier humain, preuve que le personnage d'origine aura bel et bien disparu du monde du jeu vidéo.

Pensé d'abord comme une simple mascotte, Monty Mole reste un des rares exemples de héros façonnés par son époque. Beaucoup de personnages de jeu vidéo ont été inspirés de figures ou d'événements réels, mais rarement la caricature de l'ambition aura poussé une équipe à maltraiter ainsi son héros.

Et si il reste évident que la volonté critique de GG aura fait de Monty une caricature de l'ambition, on est en droit de se demander ce qu'il serait devenu sans les grèves de 1984.  


Lien de l'épisode : https://www.youtube.com/watch?v=8G7xy4F1C-Y


Musique écoutée pendant la rédaction.
Le teaser de Golden Apples de Faey sur YouTube.

samedi 14 juin 2014

Pourquoi j'ai adoré Battle of Gods.



J'en avais parlé après le premier visionnage sur mes réseaux sociaux privés. J'ai revu le film y a pas longtemps, et je campe sur mes positions : Battle of Gods est mon long métrage Dragon Ball préféré.

J'ai lu de nombreuses critiques sur le net. Très diverses, et souvent injustifiées.
En fait j'ai eu l'impression que la majorité des mauvaises critiques venaient de "pseudo défenseurs de la mémoire de Dragon Ball". Comme si Dragon Ball avait besoin d'une tribu de templiers prêts à sortir leur haine de leur fourreau dès que les événements ne s'imbriquaient plus avec leur nostalgie subjective.

"Broly était plus classe !"
Des gens comme ça.

Je n'exprimerai pas ici mon ressenti sur ces personnes en particulier, qui sont d'ailleurs souvent les mêmes qui sont incapables de critiquer le film Dragon Ball Evolution en tant que (mauvais) film, et non en tant que "mauvaise adaptation".
Par contre, quand on demande à ces mêmes personnes : "Vous auriez aimé voir quoi ?"
Là, à part des "Bah, un Dragon Ball Z quoi", on ne leur tire pas grand chose. Et c'est bien normal.

Ce qui est compliqué avec un shonen, et particulièrement Dragon Ball, c'est que la scénarisation et l'évolution des personnages sont bien trop dépendantes l'une de l'autre. Du coup, quand on veut créer une histoire en dehors de la scénarisation principale, soit on crée des incohérences (cf nombreux anciens longs métrages DB), soit on est obligés de reprendre la suite de la série (parfois très mal comme les Dragon Ball GT).

DBGT : une sur-exploitation maladroite,
et un échec d'estime pour presque tout le monde.
Mais vue cette interdépendance entre puissance des personnages et scénario, on se sent alors obligés de devoir en remettre une couche, faire en sorte que le méchant soit plus fort, et que le héros soit + plus fort à la fin. C'est une impasse d’écriture évidente, car soyons honnête, une histoire qui se passerait entre Freezer et les Cyborgs par exemple ne serait pas intéressante, vu qu'on connait la suite de l'histoire, la futur puissance des personnages, l'évolution du scénario etc... Rien ne pourrait vraiment nous surprendre.

Alors le mieux c'est quoi ? De ne rien faire du tout. Peut-être.
Mais Akira Toriyama (vu qu’apparemment, c'était lui le patron sur la réal du film) est un malin. Il l'a prouvé pendant la longue période d’édition du manga alors que ses éditeurs le poussaient au cul, et il le prouve encore aujourd'hui.

Entre reprendre un morceau de la chronologie, et poursuivre l'histoire, Toriyama a clairement choisi la deuxième solution. Et là où la sur-enchère (car oui, c'est quand même une sur-enchère) aurait pu être idiote, on a le droit à ce qui me semble être le long métrage de Dragon Ball le mieux écrit, et le plus astucieux.

Remettons les choses dans le contexte : Toriyama a écrit DB au fil de la plume, sous la contrainte de sa maison d'édition. C'est pourquoi, même si le manga est extrêmement cohérent dans sa globalité, il n'y a jamais vraiment d'éléments scénaristiques utilisés sur la longueur, seulement des éléments repris pour justifier un contexte.
Exemple : Le robot-insecte qui collecte des données pour le Dr Gero : rien n'indique qu'il était prévu à la base.
Le fameux robot-insecte, outil scénaristique ingénieux.

Et pour les longs métrages, c'est la même chose. A l'époque, dans la mouvance DB, le scénario n'avait pas besoin d'être très profond : un ennemi arrive, il est méchant, il faut le tuer, Genkidama. Ça marchait parce que c'était ce qu'on voulait. Ou alors on se satisfaisait (presque) tous de ça.
Seulement, après un long moment "d'absence", DB se devait de revenir d'une manière intelligente, de répondre en même temps aux fans, tout en évitant de retomber dans une formule obsolète.
Et c'est réussi.

Le scénario de BoG est intelligent. Il se sert de ce que l'on sait de la série pour faire avancer l'histoire et il surprend le spectateur en lui présentant des situations auxquelles lui même n'avait jamais pensé : Shenron qui peut avoir peur, la rencontre entre Maï et Trunks, la prise d'otage... Tout ça sert bien sur l'humour, mais justifie aussi l'éloignement avec la trame habituelle (méchant, gentils, genkidama toussa).

Quand des personnages ont été autant exploités,
ce qu'il reste de plus intéressant à faire, c'est de creuser leurs relations.
La première chose qu'on nous présente c'est un méchant pas vraiment méchant. Un méchant qui est juste curieux. Tout simplement. Et de là, le scénario peut se permettre de prendre des routes jamais explorées par DB. Chaque situations à laquelle on peut s'attendre est désamorcée automatiquement pour nous surprendre : combat Bills/Goku dès le début du film, le don de puissance à Goku qui rate, le niveau Saiyan God qui ne le satisfait pas...
Et même le "méchant" lui-même est un pied de nez aux codes établis par DB. Il est drôle, sympa, respectueux. L'adversaire parfait de Goku, qu'il n'a jamais eu, qu'on a bêtement jamais attendu.

Et surtout, le scénario n'est pas linéaire. Pour une fois dans DB, certaines infos qui semblent futiles servent en fait un scénario ficelé. Le meilleur exemple à cela est celui de Whis : pendant tout le film, Bills est présenté comme un mec qui faut pas contrarier, et qui détruit une planète au moindre soucis. Et Whis lui se permet de lui parler de manière décontracté ou de le faire attendre. Et ce qui aurait pu être une simple relation humoristique se justifie en fait par le twist de fin.
Grande nouveauté donc pour un long métrage Dragon Ball : le film peut-être vu deux fois sous deux approches différentes !

Whis et Bills,  sûrement deux des "méchants" les plus intéressants de tout Dragon Ball.
C'est ce genre d'écriture qui a toujours manqué à DB.

En gros le film est une réponse aux attentes, et en même temps une façon de faire revenir DB sur le devant de la scène en chamboulant tout ce à quoi le fan était trop habitué (et notamment à la destruction pure et simple du "méchant" à la fin).

Pour finaliser mon argumentation, voici ce qu'aurait donné le film 15 ans plus tôt :
- Goku s'entraine
- Bills arrive à Capsule Corp parce qu'il pense que le Saiyan God est le bébé de Videl.
- Gohan et Vegeta s'enervent
- Ils se font battre
- Sangoku arrive et dévoile une nouvelle transformation.
- GENKIDAMA !

Peut-être que le film ne marquera pas le retour de Dragon Ball, Dans les deux cas, je trouverai le tour de passe passe intelligent.
Akira Toriyama a compris l'ampleur qu'a pris son oeuvre au fil des années. Et il a aussi compris que ce n'est pas en donnant au public ce qu'ils attendent, mais en leur donnant ce qu'ils n'ont jamais eu qu'il peut faire revenir Dragon Ball sur le devant de la scène.

Plus de place pour les nostalgiques et pseudo défenseurs de la bible en 42 volumes , au travers de BoG, Dragon Ball a peut-être évolué plus efficacement que les fans de Dragon Ball eux-mêmes.

"Ça reste qu'un putain de chat !"

Musique écoutée pendant la rédaction.
New Order.

dimanche 1 juin 2014

Spotlight OFF : Rock



Script : 
[Ce texte est mis à libre disposition, j'autorise toute reproduction ou réutilisation, partielle ou totale, 
à raison d'un simple respect de la source.]

En 1999, alors que l’Europe lève les yeux au ciel pour observer la dernière éclipse solaire du millénaire ; de l'autre côté de la planète, les joueurs d'arcade qui n'ont aucune raison de détourner leur regard attendent la sortie imminente de Garou Mark of the Wolves.
Dernier épisode de la série Fatal Fury, connu au japon sous le nom de Garou Densetsu, le jeu est aussi un des derniers de la firme SNK avant son rachat et la création de SNK Playmore.
Considéré aujourd'hui comme un des meilleurs jeux de combat 2D existant, le jeu représente un véritable renouveau pour la série.
Nouveaux mécanismes de gameplay, abandon du combat sur deux plans, la prise de risque ira même jusqu'aux choix scénaristiques. Tout comme son rival Street Fighter 3, MOTW se déroule dans le futur, et c'est face à l’écran de sélection de personnages que le joueur se rendra compte de ce bouleversement.
La grande majorité des personnages des anciens épisodes sont absents du roster, et même l'ancien héros cède sa place pour un nouveau jeune homme blond : Rock Howard, le fils de l'ex grand méchant de la série.

Après s'être enfin débarrassé de Geese dans les précédents épisodes, Terry Bogard décide de s'occuper de Rock, alors âgé de sept ans. La longue période de prise en charge passera alors en ellipse, et c'est en tant que jeune adulte qu'il apparaîtra pour la première fois comme personnage jouable dans un jeu de combat.
Son physique et son caractère ne seront pas sans rappeler ceux que la firme avaient déjà attribué à Kaede dans le jeu The Last Blade, deux ans auparavant. Sans pour autant parler d'inspiration directe, l'utilisation de cet archétype reflète tout de même une envie de la part de SNK de se différencier de son grand rival de l'époque.
En effet, Rock Howard aime le basket et jouer de la basse, il s'habille, réagit et vie comme n'importe quel adolescent de son age. Rock adopte les mêmes codes que Terry, en se posant comme un personnage auquel le joueur peut facilement s'identifier, contrairement à un Ryu qui est resté solitaire, droit et marginal.

Toujours sous la protection et l'enseignement de Terry, Rock conserve une haine non dissimulée pour Geese, qu'il refuse par honte de considérer comme son père. Malgré cela, il reste évident qu'il lui doit une grande partie de son talent et de ses pouvoirs. Entre deux Reppuken, Rock exprime lui aussi son don pour l'Aikido, le style défensif de Geese.
Les relations de paternité sont monnaie courante dans le monde de la bagarre et il n'est pas rare que des personnages héritent d'un style de combat au travers de la filiation. Garou MOTW suit cette logique en se permettant de reprendre des éléments de gameplay d'une génération à l'autre. C'est le cas par exemple de Dong Hwan ou de Jae Hoon, les deux fils de l'ex taekwondoïste de la série.
Ce procédé permet notamment de rendre plus acceptable aux yeux des joueurs, le changement quasi totale du cast. Même si certains personnages disparaissent, des mécanismes de jeu survivent.

Pour Rock, cet héritage prend une tout autre dimension. Lié par le sang avec Geese Howard, et entrainé par Terry Bogard, son style de combat s'inspire des techniques de ses deux tuteurs.
Et même si le joueur ne porte aucun intérêt au scénario du jeu, stick en main, il ne peut passer à coté de cette évidence. Si certains jeux utilisent le scénario ou le design d'un personnage pour démontrer ses liens de parentés, le jeu de combat se sert de ce que le joueur connaît le mieux du personnage en question: son gameplay.
Ainsi, si le style de combat de Rock prouve évidemment son lien de sang avec Geese et sa relation avec Terry, il prouve aussi que l'identité d'un personnage de jeu de combat se base avant tout sur l'interaction que celui ci propose.

Scénaristiquement, le pari de choisir un nouveau héros pour une nouvelle génération permet à la série de prendre un nouveau départ. Les choix techniques sont conséquents, le scénario fait table rase, et Rock devient alors un véritable pont entre deux époques. Tout en assumant le rôle de personnage principal avec évidence, il évoque au joueur la présence d'un personnage sensé avoir disparu définitivement. Et au travers de son gameplay et de son histoire, Rock rappelle malgré lui la puissance, les pouvoirs et la cruauté de Geese, rendant ainsi le fardeau de ses pouvoirs encore plus lourd à porter.
Et l'idée de créer un personnage dont le père fut l'ennemi de son actuel mentor n'est pas inconnu au monde du cinéma. Cette astuce scénaristique permettant notamment de renforcer cette idée de renouveau, tout en explorant la complexité d'une relation entre un père et son fils.

Conçu comme le nouveau visage de SNK, Rock Howard représentait la volonté de renouveau de la série Fatal Fury. Cependant, l'avenir de celle-ci ne jouera pas en sa faveur ; et même si la série n'a jamais officiellement été stoppée, force est de constater que SNK Playmore ne misera pas sur ce personnage. En effet, Rock ne fera même jamais partie de la prestigieuse série King of Fighter, qui se voulait pourtant être une grande réunion des personnages SNK, de séries et d'époques différentes.

Et même si sa carrière de personnage emblématique mourra presque dans l'oeuf, Rock restera le héros d'un jeu prestigieux, et prouvera qu'au travers d'un gameplay, la personnalité, le passé et même l'héritage d'un personnage peut être exprimé.
Au travers de Rock Howard, le jeu vidéo démontre alors que l'interaction entre l'homme et le jeu peut devenir une forme d'expression, et un outil nouveau à l'élaboration d'un récit.





[commentaires à venir]

Lien de l'épisode : https://www.youtube.com/watch?v=3VrgevyF0KU


Musique écoutée pendant la rédaction.
Katamari OST

dimanche 11 mai 2014

Spotlight OFF : Forte



Script : 
[Ce texte est mis à libre disposition, j'autorise toute reproduction ou réutilisation, partielle ou totale, 
à raison d'un simple respect de la source.]

En 1995, alors que le tremblement de terre de Kobe fait 6437 victimes et 43 000 blessés, le japon continue à imaginer un futur robotique au 21eme siècle avec la sortie de RM VII.
Sorti la même année que RMX3, le jeu se place cependant dans la lignée des RM classiques. L'idée de créer une suite à l'ancienne série paraissait alors discutable aux yeux des joueurs, qui estimaient que le passage aux 16bits s'était déjà parfaitement effectué avec le premier RMX, deux ans auparavant.
Cependant, l'intérêt de l'ancienne licence reste entier en conservant un gameplay plus rigide et des mécanismes épurés, mais à sa sortie, le jeu divise et reçoit même un certain nombre de critiques négatives.

Le scénario de RMVII reprend le schéma classique de la série, en opposant le héros au dr Wily. Rock le pourchasse alors dès la scène d'introduction, jusqu'à ce qu'il tombe sur Forte qui affirme lui aussi poursuivre le même but. Perçu alors comme un rival déterminé, mais aux desseins mystérieux, Forte gagne plus tard la confiance de Rock, avant que celui-ci ne se révèle être en fait un robot du camp adverse.
Un coup de théâtre modeste, mais qui aura au moins le mérite d'en apprendre plus sur les motivations du dr Wily.

Car si Forte est plus connu sous le nom de Bass en occident, son nom répond tout de même à la tradition de la série en s'inspirant du domaine musical. Forte étant une nuance attribuée à une note jouée avec énergie, ce nom semble alors traduire une certaine confiance du dr Wily.
De plus, dans la série Rockman, chaque robot porte son propre numéro de série, chaque numéro étant précédé d'un sigle : DLN pour les robots créés pas le dr Light, et DWN pour ceux du dr Wily.
Et même si Forte reste bel et bien un robot de ce dernier, c'est en tant que SWN qu'il fera son apparition. Après avoir créé des dizaines de robots pour tuer Rock, Wily affirme son besoin de changement en créant un tout nouveau type de machine.
Et alors que le personnage ne semble être une qu'énième création, son nom et son numéro de série sont là pour prouver que son créateur est finalement prêt à bouleverser ses habitudes, devenues presque ridicules aux yeux du joueur au fil des épisodes.

Et dans le scénario, cette rupture se traduira par la conception de Forte elle-même, car c'est en copiant les propriétés de Rock que le dr Wily le fabriquera. Le jeu Rockman & Forte prouvera par exemple que lui aussi est capable d'assimiler les capacités d'un ennemi vaincu. L'imitation ira jusqu'à la création de Gospel, un chien-robot basé sur les mêmes caractéristiques que Rush, le compagnon de Rock.
Après avoir indirectement opposé son savoir à celui du dr Light, Wily signe ainsi son premier aveu de faiblesse. Incapable de dominer son adversaire par ses propres moyens, il décide alors d'utiliser les mêmes armes que lui.

Et si la bataille intellectuelle entre Thomas Light et Albert Wily reste un sujet discret au fil de la série, c'est au travers de la création du personnage que l'on comprend que ce dernier n'est motivé que par son but, et non par sa rivalité avec son ennemi.
Mais au fil des épisodes, Forte échappera petit à petit au contrôle de son maître, allant jusqu'à se moquer ouvertement de lui dans le 10eme opus.
Ainsi, si l'origine de Forte représente elle-même une défaite pour le dr Wily, son insoumission n'est là que pour souligner d'avantage ce sentiment d’échec : même à armes égales, Wily est vaincu.

Mais même si l'obéissance de Forte reste bancale, il n'en demeure pas moins déterminé à affirmer sa supériorité à Rock, ainsi, à défaut d'un ennemi convaincant, le joueur hérite d'un rival féroce.
Armure sombre, casque en forme de cobra, chien agressif, même les premières versions du personnage traduisaient déjà cette idée.
Son allure provocante mais cool répond à des stéréotypes établis, particulièrement populaires dans les récits japonais. Ce type de personnage n'étant souvent créé que dans le seul but de s'opposer au héros, tout en mettant en avant la droiture et le pacifisme de ce dernier.

Mais suite au retour du dr Cossack et de Blues dans le droit chemin, la série RM souffrait aussi d'un vide scénaristique, le joueur n'étant plus impressionné par les coups de théâtres attendus.
Et après avoir constaté l'efficacité d'une rivalité entre deux héros dans la série des RMX, Capcom adaptera ce schéma dans les RM suivants. Mais si Blues répondait déjà en partie à ce profil, c'est en accentuant le côté menaçant de Forte que la série tente par la même occasion d’estomper l'importance d'un dr Wily devenu une simple caricature.

En adaptant sa série classique à la Super Famicom, Capcom à l'image du dr Wily, assume sa volonté de casser certains codes. Et même si RM7 se voit être une suite logique en terme de gameplay, l’apparition de Forte prouvera cependant que la firme était au courant de ses propres faiblesses. Forte gardera une place importante dans le scénario de la série, plusieurs épisodes le placeront même aux cotés de Rock en tant que personnage jouable.

Et même si Forte n'aura pas le succès attendu au sein de la série, il n'en restera pas moins la preuve que le stéréotype du rival puissant et déterminé reste souvent la carte joker d'un scénario en péril.





[commentaires à venir]

Lien de l'épisode : https://www.youtube.com/watch?v=1SO9p09MW8o


Musique écoutée pendant la rédaction.
Nujabes

vendredi 25 avril 2014

Spotlight OFF : Gallon




La première fois que j'ai joué à un Darkstalkers, c'était le 3, sur Playstation 1. On me l'avais prêté.
A l'époque, je ne connaissais que Street Fighter (et j'étais étrangement fasciné par Blanka, parce qu'il ressemblait à un Super Saiyan), et il va de soit que je n'avais aucune notion technique du jeu de combat, je faisais les coups spéciaux contre le CPU en mode arcade, et j'étais content.

Je me rappelle avoir passé de très bons moments contre ce même ami CPU sur DS3. Jeune et naïf comme j'étais, je m'étais bien évidemment empressé de prendre le loup garou. Parce que les loups garou, c'est cool. En plus, celui-ci faisait du kung-fu, et j'aimais bien le kung-fu, j'avais déjà vu Operation Dragon.
Déjà à l'époque, la direction artistique m'avait foutu sur le cul. L'heure était aux nouveaux jeux en 3D sur PSX, mais j'avais encore cette fascination pour la 2D et les sprites qui se déformaient. Avec DS3, j'étais servi.

Jamais je n'aurais pensé avoir à faire à un jeu si technique et si complexe, alors que je ne faisais que réciter les coups spéciaux que j'avais pu voir sur le livret du jeu.
Puis quand je me suis enfin aventuré dans le jeu de combat en tant qu'activité technique, psychologique et sportive, je me suis dis "tiens, et si je regardais des matchs de DS3 sur YouTube, c'était cool ça, j'aimerais bien voir comment les vrais joueurs y jouent".
Et là, grosse claque, la beauté du jeu dans sa forme compétitive était bluffante. Sa complexité et sa profondeur m'ont ébloui, mais aussi presque démotivé, j'avais l'impression que jamais j'aurais le temps de taffer ce jeu sans avoir à oublier tous les autres.

Et dans ce sentiment de frustration, j'ai pris la décision à l'époque de faire un Spotlight sur un des personnages. Si je ne pouvais pas maîtriser Gallon avec un stick, j'en parlerai avec une vidéo.




Script : 
[Ce texte est mis à libre disposition, j'autorise toute reproduction ou réutilisation, partielle ou totale, 
à raison d'un simple respect de la source.]

En 1994, alors Pulp Fiction reçoit la Palme d'Or du festival de Cannes et que Final Fantasy VI s’apprête à imposer sa suprématie dans le monde du RPG, le jeu de combat reste dans la tête de nombreux joueurs. Street Fighter II voit sortir son ultime et quasi-parfaite version, et l'adaptation cinématographique prouve que même le décès d'un acteur ne suffit pas à convaincre la critique.
Et pendant que les joueurs du monde entier essaient secrètement d’exécuter des Hadouken et autre Tatsumaki dans leur chambre, Capcom se prépare à sortir le premier épisode de la série de jeu de combat Vampire aussi connu sous le nom de Darkstalkers en occident.

La création du premier épisode : The Night Warriors reflète l'envie, voir le besoin qu'à la franchise de prouver sa supériorité face au SNK de l'époque. Souvent critiqué pour avoir sorti plusieurs versions du même jeu, Capcom se doit de frapper fort, et surtout, de frapper autrement.
Car si Vampire se démarque de la série Street Fighter par son gameplay agressif, c'est surtout en terme d'animation que le jeu se voit être un grand pas en avant dans le monde de la bagarre.

Et afin de justifier l'utilisation abusive d'animations exagérées, le jeu se voit adopter un thème approprié : celui des monstres fantastiques.
Vampire, Yeti, Succube... Darkstalkers s'éloigne des styles de combat encore trop académiques de Street Fighter pour se permettre d'en mettre plein la vue aux joueurs, avec des attaques aussi absurdes qu’impressionnantes.

Et au milieu de cette surenchère bien calculée se trouve Gallon, un loup-garou plus connu sous le nom de Jon Talbain en dehors du japon. Un nom d'emprunt qui rappellera celui de John Talbot, dans le film The Wolf Man, mettant en scène un père et son fils atteint de lycanthropie.
Le jeu semble assumer ces inspirations, en lui donnant comme année de naissance, celle de la production de l’œuvre, comme ce fut aussi le cas pour le personnage de Aulbath et du film Creature of the Black Lagoon, d'où il est directement inspiré.

La série Vampire ne cachera pas ses hommages au monde du cinéma, et c'est bien Gallon qui en sera le meilleur exemple. Si certaines références se feront discrètes, celles sur son style de combat seront plus évidentes.
La marque qu'a laissé Bruce Lee dans les arts martiaux a particulièrement été importante dans le jeu vidéo, et rares sont les jeux de combat qui se passent d'un personnage inspiré de l'acteur. Style vestimentaire, nunchaku, poses de victoires, les clins d’œil sont évidents et nous rappellent que Capcom jouait déjà de ces clichés 1 an plus tôt avec le personnage de Fei Long dans Super Street Fighter II

Mais là où cette réutilisation aurait pu passer pour un manque d'inspiration, Gallon se voit être le représentant d'une série de jeux misant sur l'exagération scénaristique et technique. Le personnage répond aux codes établis par la firme elle-même, mais sa nature de loup-garou lui permet de répondre aussi à cette envie de démesure : Gallon n'est pas qu'un pratiquant de kung-fu, Gallon est un loup-garou, pratiquant le kung-fu.

Mais au delà de son rôle pratique, le personnage se voit aussi être un représentant de sa condition de loup-garou au sein du jeu vidéo.
Gallon est né d'une mère humaine et d'un père lycanthrope, et même si l'étape de la morsure lui est inconnue, c'est bien l'angoisse de la transformation qui sera mis en avant dans ses apparitions scénaristiques. Gallon se bat contre son autre personnalité, et consacre sa vie au combat afin de se punir de ses propres actes de sauvagerie.

Les origines du loup-garou sont floues, mais aux travers des supports culturels, celui-ci représente presque toujours la cruauté de l'homme et de ses instincts primaires.
Deux visions s'affrontent alors : si les romans ou les films mettent l'accent sur la peur de soi, le jeu vidéo préférera mettre en avant le fantasme que représente le lycanthrope.
Car un loup-garou est avant tout un sur-homme, un monstre doté de capacités physiques hors du commun. Le jeu vidéo se servira souvent de cette évidence, pour justifier la puissance et l'implication scénaristique d'un ennemi ou d'un personnage.

Mais le scénario d'un jeu de combat n'ayant que trop peu de valeur, la véritable forme de Gallon ne servira alors qu'à illustrer son animation de début de match. Pour lui, cette réutilisation démontre l'injustice de sa condition. Car même si celui-ci se livre un combat intérieur, il ne restera aux yeux des joueurs que le simple « loup-garou du jeu ».

Créé avec précision par Capcom, Gallon représente à lui seul la volonté d'une firme entière. Son statut de loup-garou a permis de démontrer les avancées techniques de la série Vampire, au risque de faire passer son implémentation pour de l'auto-dérision.
D'autres loups-garou se feront connaître dans le monde du jeu vidéo, comme Sabrewulf dans le jeu Killer Instinct, qui se bat afin d’acquérir un traitement à sa lycanthropie. Là encore, un semblant de scénario traitera discrètement de sa condition. Mais Gallon restera le parfait exemple de la cruauté du jeu de combat, qui préférera toujours, et à juste titre, l'image du combat physique et sanglant, à l'affrontement psychologique d'un homme et de son monstre.


Lien de l'épisode : https://www.youtube.com/watch?v=uVZBLYCl9-U


Musique écoutée pendant la rédaction.
Faun