J'ai très longtemps hésité avant d'écrire sur un personnage de RPG. Non pas que ça ne m’intéresse pas, au contraire. Mais j'ai tout de suite compris quels seront les pièges et les problèmes. Contrairement à des personnages tirés d'autres jeux moins "profonds", il y a beaucoup de choses à dire sur ceux de RPG, trop en fait. Trouver un axe intéressant et original, qui ne serait pas déjà traité ou sous-entendu dans le jeu lui-même est donc compliqué.
J'ai refait Final Fantasy VIII il y a quelques temps (plus je le refais, plus je l'apprécie), et tout au long du jeu, deux personnages m'ont particulièrement intéressé : Edea et Laguna (Ultimecia aussi en fait, mais la piste de la fameuse théorie est très glissante).
Du coup j'ai longtemps hésité entre les deux personnages, car je savais que tous deux avaient vraiment quelque chose en plus que les autres, comme une seconde lecture particulièrement intéressante. Ce qui m'a fait penché pour Edea, c'est tout simplement ma fascination pour le mythe de la sorcière, dont j'avais déjà parlé dans l'épisode sur Cauldron (ICI). Les références culturelles, les inspirations historiques,... j'en ferai peut-être un Fabula un jour. Le nombre de jeux reprenant ce mythe est assez fou, mais très peu se posent des questions sur la véritable signification de la sorcière, et des jeux comme Bayonetta vont même jusqu'à tenter de prendre le mythe à contre pied, alors que plus que jamais, ils alimentent l'une de ses plus vieilles attributions : le sexisme.
J'avoue avoir joué un peu avec le feu en choisissant un FF pour ma première expérience de Spotlight sur un RPG, les templiers de la série étant très nombreux et surtout très virulents quand ons'attaque parle de détails. J'espère ne pas avoir à subir leur courroux, et si tout se passe bien, je reviendrai peut-être sur la série d'ici quelques épisodes ; un personnage de FFV m'intéresse tout particulièrement... En fait je considère la vidéo entière comme un test, si les gens en sont satisfaits, j'arrêterai de me priver des RPG dans ma recherche de sujets.
J'ai refait Final Fantasy VIII il y a quelques temps (plus je le refais, plus je l'apprécie), et tout au long du jeu, deux personnages m'ont particulièrement intéressé : Edea et Laguna (Ultimecia aussi en fait, mais la piste de la fameuse théorie est très glissante).
Du coup j'ai longtemps hésité entre les deux personnages, car je savais que tous deux avaient vraiment quelque chose en plus que les autres, comme une seconde lecture particulièrement intéressante. Ce qui m'a fait penché pour Edea, c'est tout simplement ma fascination pour le mythe de la sorcière, dont j'avais déjà parlé dans l'épisode sur Cauldron (ICI). Les références culturelles, les inspirations historiques,... j'en ferai peut-être un Fabula un jour. Le nombre de jeux reprenant ce mythe est assez fou, mais très peu se posent des questions sur la véritable signification de la sorcière, et des jeux comme Bayonetta vont même jusqu'à tenter de prendre le mythe à contre pied, alors que plus que jamais, ils alimentent l'une de ses plus vieilles attributions : le sexisme.
J'avoue avoir joué un peu avec le feu en choisissant un FF pour ma première expérience de Spotlight sur un RPG, les templiers de la série étant très nombreux et surtout très virulents quand on
Script de l'épisode :
[Ce texte est mis à libre disposition, j'autorise toute reproduction ou réutilisation, partielle ou totale,
à raison d'un simple respect de la source.]
En 1999, alors que Matrix sort en
salle, et qu'Ariane 5 envoie l'observatoire XMM-Newton autour de la
terre, la science fiction continue d'inspirer un grand nombre de
créateurs de jeux vidéo.
Après s'être intéressé au
thème dans FF7, Squaresoft assume ainsi ce parti-pris 2 ans plus
tard avec FF8. Deuxième épisode en 3D de la série, l'histoire se
base sur des voyages temporels, et apporte ainsi une certaine
complexité scénaristique.
Cependant, toute la première
partie du jeu se basera sur une intrigue plus classique, où un
groupe de mercenaires tentera d'éliminer une figure politique :
la sorcière Edea.
Conçu d'abord pour intégrer
Final Fantasy 7, Testuya Nomura s'inspire du deuxième chara-designer
de la série, Yoshitaka Amano, pour créer le personnage. Courbes,
spirales, accessoires multiples, le style graphique ne trompe pas, et
son intégration dans FF8 crée ainsi un réel décalage. Edea se
démarque alors déjà du reste des personnages, en mettant en
opposition deux univers graphiques, et donc deux périodes de la
série Final Fantasy.
Dans le scénario, Edea se
retrouve confrontée aux héros après avoir été possédée par une
autre sorcière venue du futur. Et même si elle est la première
grande antagoniste féminine dans l'histoire de la série, elle
continue à perpétuer la tradition du vrai et du faux méchant. Ce
procédé scénaristique est bien connue des RPG japonais, et
particulièrement de la saga FF. L'idée étant de présenter un
premier ennemi au joueur, tout en lui faisant comprendre qu' il ne
sera pas celui qu'il combattra à la fin du jeu.
Cette tradition étant très
ancrée, le but des scénaristes n'est alors plus de faire en sorte
de piéger le joueur, mais plutôt de lui faire se poser des questions sur la nature du coup de théâtre.
Mais si son implication dans le
scénario était prédestiné, Edea Kramer semble déjà assumer un
rôle à part dans la vision souvent manichéenne du RPG japonais.
Car en plus de se repentir des
crimes dont elle n'est pas coupable, le joueur collaborera avec elle,
et ira même jusqu'à l'avoir dans son équipe, pour une courte
période.
Ainsi, au travers de son rôle
scénaristique, Edea fait comprendre au joueur la cruauté du
scénario.
Mais cette deuxième lecture sera
d'autant plus importante dans les versions occidentales du jeu. Car
si l'image de la sorcière est très ancrée dans notre culture, il
se trouve qu'une fois au japon, toute sa symbolique n'existe plus.
En europe, la sorcière est
inconsciemment liée à son lot de stéréotypes, qui existent depuis
l'inquisition. Nez crochus, pustules, il est évident qu'Edea se
détache de cette image, mais pour un joueur occidental, sa simple
appellation de sorcière en fait déjà un personnage décalé dans
un univers qui tend clairement vers la science fiction. Et si ce
décalage est dû à un écart culturel plus qu'au scénario
lui-même, c'est ce même scénario qui va prendre une autre
dimension une fois sorti des frontières du japon.
Pendant tout le jeu, les
sorcières évoqueront la crainte de la part des personnages,
jouables ou non. Et lorsque les sorcières sont prises pour cibles à
plusieurs reprises dans le scénario, comme c'est le cas pour Edea,
notre culture peut alors nous rappeler l'absurdité de la chasse aux
sorcières du XVIeme siècle.
Et si le jeu se détache quelques
temps de la tradition manichéenne, c'est en partie parce qu' Edea
est un personnage double, mais surtout parce qu'elle fait se poser
des questions au joueur quant à la moralité de sa mission.
A la fin du jeu, le joueur
comprend que toute l'intrigue est basée sur une boucle temporelle.
Les événements finaux étant aussi ceux qui déclenchent l'intrigue
principale du jeu.
Et si il aurait été facile de
mettre en cause un événement aléatoire, indépendamment des
personnages, il se trouve que c'est Edea qui se retrouve au centre de
cette boucle. En plus de lever le voile sur la complexité du
scénario, le joueur se rend ainsi compte de l'importance d'un
personnage sensé s'effacer au milieu du jeu. Edea Kramer n'est alors
plus qu'un simple faux méchant ou une simple sorcière, mais un
personnage omniscient, conscient du passé et du futur des
protagonistes.
Manipulé, désinformé, le
joueur se rend compte que les clés du scénario qu'il a suivi se
trouvaient entre les mains du personnage depuis le début.
Mais rien dans le scénario du
jeu n'expliquera clairement la raison pour laquelle Edea garde son
savoir secret.
Et ce qui n'est sans doute qu'une
facilité scénaristique fait d'Edea Kramer un des rôles les plus
énigmatique de la série Final Fantasy.
Conçu et créée par une
tradition de la série, Edea Kramer est à la croisée de deux
visions graphiques, mais aussi de deux cultures.
Perçue d'abord comme un premier
ennemi traditionnel, son implication scénaristique en fait un
personnage à part, et la culture du joueur occidental en fera même
la représentante d'un scénario complexe, dans son intrigue et dans
sa thématique.
Parfois, l'exportation d'un jeu
vidéo prendra compte des traditions et de l'histoire du pays ciblé,
permettant ainsi d'adapter le scénario à la culture du joueur mais
rarement l'exportation d'un jeu aura donné plus de crédibilité à
un personnage que dans sa version d'origine.
Lien de l'épisode : https://www.youtube.com/watch?v=aCR_hkFSWx4
Musique écoutée pendant la rédaction.
L'OST de FFVIII, du coup.