lundi 23 juin 2014

Spotlight OFF : Monty Mole




Je jouais beaucoup à l'Amstrad CPC quand j'étais petit. C'était ma première machine.
En fait, beaucoup de jeux m'ont énormément marqué, comme Jet Set WillyGreen Beret ou Sapiens.
Après avoir traité de pas mal de personnages de jeux de combat, je me suis dit qu'un retour aux sources me ferait pas de mal, comme je l'avais fait justement pour Willy de Manic Miner dans le deuxième épisode.

Avant de faire des recherches sur un éventuel personnage de cette époque à traiter, j'ai d'abord fouillé dans mes souvenirs, et un screen me revenait à l'esprit, celui de "Au Revoir Monty". Je mentirais si je disais que c'était un des jeux auxquels j'ai le plus joué. En fait, je me rappelle que le jeu buggait souvent, et à l'époque, le temps de chargement d'un jeu sur un Amstrad à cassettes allait de 30 minutes à 1 heure. Du coup, j'ai rarement eu la foi d'essayer de lancer ce jeu.
Mais je me rappelais du screen de chargement, qui était vraiment magnifique ; en fait, c'était l'image juste au dessus (Monty dans son avion), mais en version Amstrado-pixelisé. J'ai du attendre un bon bout de temps avant de savoir que Auf Wiedersehen Monty (vu que c'était ça le vrai nom) faisait partie d'une série. Je m'étais jamais demandé pourquoi le personnage s'enfuyait en avion, ni pourquoi il était poursuivi par des flics de différents pays sur le screen en question ; en fait, on se posait pas beaucoup de questions sur les scénarii à cette époque.

J'aime beaucoup parler des jeux de l'époque micro, parce que je peux me permettre de glisser un ou deux mots sur les créateurs, qui étaient souvent en équipe réduite, voir seul, comme Matthew Smith pour Manic Miner. Ici, l'épisode se fixe évidemment sur ce qu'il y a autour du personnage. Je sais pas si ce genre de rapport entre jeu et contexte politico-social pourrait être aussi important de nos jours, et c'est pour ça qu'il est intéressant de se pencher sur les jeunes développeurs de cette époque, même si les infos et les preuves restent dures à trouver aujourd'hui sur la toile.

Les plus attentifs auront remarqué que je me suis permis d'ajouter de la musique pour cet épisode. En fait, j'ai eu un gros problème une fois le montage fini, vu que la totalité des extraits de gameplay utilisés ne comportaient pas de musique (période micro oblige), la vidéo faisait vide, même avec les bruitages habituels. Mais bon, je ne suis pas déçu de l'habillage sonore. Et je continuerai peut-être à mettre ces musiques dans les prochains épisodes.




Script de l'épisode : 
[Ce texte est mis à libre disposition, j'autorise toute reproduction ou réutilisation, partielle ou totale, 
à raison d'un simple respect de la source.]

En 1984, alors que le Shonen Jump publie le premier chapitre de Dragon Ball, et que la mort de Paul Dirac prive le monde d'un des plus grands génies scientifiques du 20e siècle, le jeu vidéo continue à faire naître de nouvelles vocations.
De plus en plus de créateurs se lancent dans l'aventure, et de nouveaux développeurs rentrent sur le marché. C'est le cas de Ian Stewart et de Kevin Norburn, deux anglais, gérants d'un magasin de logiciels. En association avec un de leur plus fidèle client, Pete Harrap, ils créent Gremlins Graphics, et se penchent alors sur la création d'un jeu sur ZX Spectrum et Commodore 64.

Pete se retrouve alors chef de projet, et en tant que fils de mineur, il propose à son équipe d'explorer ce thème dans un jeu de plate-formes. Seulement, ils appréhendent l'idée d'être comparés à l'excellent Manic Miner, sorti un an plus tôt, qui décrivait déjà le monde sous-terrain sous cet angle. Et pour de ne pas souffrir d'un éventuel rapprochement, Pete évoque son envie de se démarquer, en jouant sur une plus grande diversité des tableaux.
Ainsi, afin de répondre à cette contrainte, l'équipe réfléchis à un héros prenant en compte cette idée, en s'adaptant à l’alternance entre profondeurs et surface. Monty Mole était né.
Car si la taupe est effectivement un animal connu pour sa capacité à vivre sur et sous terre, celle-ci peut aussi facilement prendre une forme humanoïde, faisant de Monty une mascotte logique.

Dans Wanted Monty Mole, Monty cherche à récupérer un seau de charbon pour sa famille. Une quête noble, qui se heurtera cependant aux événements sociaux de cette année.
Car bien loin des questionnements de Gremlin Graphics, l'année 1984 marquera surtout l'Angleterre par les grèves des syndicats des mineurs. Et si à première vue, très peu d'éléments lient les deux événements, il se trouve que le mouvement jouera un rôle important dans le développement du jeu.
Suite au projet de fermeture de 20 mines de charbon, les grèves bénéficieront d'une forte exposition médiatique, et Gremlins Graphics sautera sur l'occasion pour adapter le développement de Monty aux événements.

Ainsi, Pete Harrap proposera l'idée d'insérer dans Wanted : Monty Mole un certain nombre de références au mouvement syndical, en allant jusqu'à introduire le personnage d'Arthur Scargill, un des réels dirigeants du mouvement de l'époque en tant que dernier ennemi du jeu.
Souvent accusé d'avoir lancé la grève sans passer par un vote, celui-ci sera aussi soupçonné d'accéder de manière frauduleuse à la tête de l'Union Nationale des Mineurs.
Et si Monty ne devait être qu'un simple héros vivant une aventure personnelle, les changements apportés au jeu feront de lui une véritable caricature des événements. Motivés par le succès de Wanted Monty Mole en tant que satire, l'équipe Gremlins Graphics décide d'assumer ce parti-pris dans la suite de la série.

Ainsi, en 1985 sort Monty is Innocent et Monty on the Run. Dans le premier, Monty se retrouve emprisonné pour avoir volé le seau de charbon et devient un simple personnage secondaire, le rôle du héros étant laissé à son ami Sam Stoat, venu le délivrer.
Dans le second, Monty fuit la police et ses responsabilités en tentant de s'expatrier, et l'image du héros fier et de sa quête noble semble alors déjà s'estomper.
Mais c'est en 1987, avec la sortie de Auf Wiedersehen Monty que le personnage abandonne toute volonté de noblesse. Dans cet épisode, Monty parcours l'Europe pour se faire un maximum d'argent, dans le but d'acheter une île en Grece. Ici, plus question de braver les dangers pour aider les siens, le personnage en oublie même sa famille, ne pensant qu'à son propre confort.

Monty a des problèmes judiciaires, il devient pingre et égoïste. Son comportement n'a plus rien d'héroïque, et Gremlin Graphics affirme totalement la caricature entamée avec Arthur dans Wanted Monty Mole. La taupe ne répond plus alors qu'à un soucis de gameplay, mais aussi à une symbolique forte : celle de l'animal aveugle, et ici aveuglé par l'argent et la corruption.
Et finalement, même si l'équipe de développement a cherché à s'éloigner de son rival naturel Manic Miner, c'est par ces choix et cette volonté critique que les deux séries se ressemblent le plus.

Officiellement, la série se conclura par deux épisodes anecdotiques : Moley Christmas et Impossamole. Ici, plus question de satire, le premier étant un jeu promotionnel pour le magazine Your Sinclar. Le second lui n'était plus développé par GG, et mettait en scène un nouveau Monty sous les traits de super héros.
Et si on peut officiellement parler de la mort du personnage à cette époque, il reste intéressant de noter qu'un remake japonais de Monty on the Run a vu le jour sur Famicom. Ici, Monty n'est plus une taupe, mais un prisonnier humain, preuve que le personnage d'origine aura bel et bien disparu du monde du jeu vidéo.

Pensé d'abord comme une simple mascotte, Monty Mole reste un des rares exemples de héros façonnés par son époque. Beaucoup de personnages de jeu vidéo ont été inspirés de figures ou d'événements réels, mais rarement la caricature de l'ambition aura poussé une équipe à maltraiter ainsi son héros.

Et si il reste évident que la volonté critique de GG aura fait de Monty une caricature de l'ambition, on est en droit de se demander ce qu'il serait devenu sans les grèves de 1984.  


Lien de l'épisode : https://www.youtube.com/watch?v=8G7xy4F1C-Y


Musique écoutée pendant la rédaction.
Le teaser de Golden Apples de Faey sur YouTube.

2 commentaires:

  1. Très bon épisode ! J'avais remarqué la musique de fond mais ça diffère d'un épisode lambda de Spotlight...

    J'attends le prochain Spotlight avec impatience !

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  2. Même si parfois ça semble être d'heureuses coïncidence, c'est intéressant de voir à quel point un contexte peut influencer des développeurs et leur œuvre. Quelque chose qu'on a du mal à restituer aujourd'hui, déjà par la taille astronomique des gros studios. Encore qu'en indé ça va, même si on met pas forcément l'accent dessus.

    Chouette vidéo en tout cas, merci.

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