vendredi 25 avril 2014

Spotlight OFF : Oro



Script : 
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En 1997, alors que Titanic remporte 11 oscars et que Mike Tyson se fait disqualifier pour avoir mordu l'oreille d'Evander Holyfield, dans le monde du fair-play, les joueurs de jeux de combat s'apprêtent à célébrer l'arrivée du tant attendu Street Fighter III sur borne d'arcade.

Et si leur impatience n'a d'égale que la qualité du jeu, certaines mauvaises bouches ne manqueront pas de lui trouver de discutables défauts. Système de jeu trop complexe, apprentissage compliqué, l'argument préféré des joueurs médisants restera cependant celui du roster, qu'ils jugeront trop absurde, en oubliant souvent que le nettoyage quasi-intégrale des personnages est une tradition de la série, et que eux-même, quelques années auparavant, ont adoré jouer avec un yogi élastique ou un ninja espagnol.

L'histoire de Street Fighter III se déroule dans le futur. Et si l'intrigue d'un énième tournoi rempli timidement son rôle de mortier, c'est encore une fois dans le background des personnages que le scénario deviendra plus intéressant.
Ici, Oro est décrit comme un ermite plus ou moins isolé, de plus de 100 ans. Un japonais s'étant exilé au Brésil pour s'entraîner, et devenu si puissant qu'aucun adversaire ne pourrait lui faire face.

Mais ses relations avec les autres personnages resteront restreintes. Sa rencontre avec Ibuki laissera cependant à penser que celui-ci n'est pas dénué de vice.
Entre sur-puissance et lubricité, et alors que sa force évidente en fait un combattant scénaristiquement incontournable, Capcom assume l'envie de coller à un type de personnage bien connu des histoires japonaises. Une double personnalité qui a depuis longtemps souligné une vision ambiguë du respect des aînés dans diverses œuvres.

Et si ces inspirations nécessitent une certaine connaissance du scénario pour être révélées, d'autres se basent sur des références plus évidentes.
Oro est ainsi décrit comme un combattant si puissant, qu'il lui est possible d'utiliser la télékinésie. Une capacité qui ne sera pas sans rappeler l'usage de la force ; et l'aspect physique du personnage, ainsi que l'entraînement qu'il fera subir à Ryu souligneront de manière plus évidente les clins d’œil à un personnage bien connu de la science fiction.

Mais si les inspirations provenant d'œuvres déjà existantes est monnaie courante dans le jeu vidéo, les références réelles, sont elles, plus rares.
Ainsi, si dans l'histoire, Oro se prive d'un bras afin d'éviter de tuer ses adversaires, cette particularité renvoie en fait à un maître de jiu jitsu brésilien ayant bel et bien existé.
En effet, en 1955, Helio Gracie, lors de son combat contre Masahiko Kimura refusa de jeter l'éponge après que ce dernier lui ait désarticulé le bras. Et si cet référence visuelle parait suffisante, c'est le lien qu'à le personnage avec le brésil, ainsi que la ressemblance quelque peu troublante avec le combattant qui semble valider ce clin d'œil.

Et si Hélio Gracie, lui avait un style de combat qui lui était propre, il reste cependant difficile d'en dire autant d'Oro. Car une fois le personnage sélectionné, force est de constater que le joueur peut rester intrigué. Les mouvements sont curieux, les coups sont insolites, et l’œil extérieur ne comprend pas à quoi il a à faire.
Et habituellement, le style de combat d'un personnage en dit long sur celui-ci. Ainsi, si le style académique de Ryu reflète sa droiture et son intégrité, et le style plus désinvolte de Ken souligne son impertinence, Oro, lui, ne laisse rien entrevoir, ce qui accentue d'autant plus le trouble du joueur.

Ainsi, Oro laisse à penser qu'il est au dessus de toute coutume et de tout stéréotype, ce qui en fait un personnage hors normes.

En scellant volontairement un de ses bras, Oro fait d'ailleurs parti des trois seuls personnages de l'histoire de la série à s'imposer soit même un handicap. Un effet de style encore une fois connu des histoires japonaises et qui renforce sa domination.

Et sa puissance dans l'histoire souligne d'ailleurs un fait intéressant : il existe depuis toujours dans les jeux de combat un décalage entre le jeu et son histoire. Si Oro se place facilement parmi les personnages les plus robustes du scénario de Street Fighter, le jeu, son cadre et ses règles en décide autrement.
En effet, la force et l'efficacité d'un personnage est défini par le gameplay du jeu, et non par son implication scénaristique. Une règle souvent contournée dans les jeux de combat tirés de manga, ou un personnage puissant sera souvent particulièrement efficace dans le jeu.
Cet écart est sans doute une des raisons pour lesquelles le scénario d'un jeu de combat classique est un facteur secondaire, voir anecdotique.

Et si Oro fera partie des nombreux arguments bancals contribuant à la critique négative du jeu, l'histoire donnera cependant raison à Capcom. Sa dernière version, Street Fighter III Third Strike étant tout simplement considéré comme un des meilleurs jeux de combat de tous les temps.

Oro, lui, malgré ses références plus ou moins évidentes et stéréotypées restera un personnage qui ne rentre dans aucune case. Oro déstabilise, Oro dérange, Oro perturbe. Loin des clichés et des codes trop évidents bien connus des jeux de combat, le personnage se voit être un ovni pour certains, et nous rappelle qu'il n'est pas forcement bon d'être original, si l'on veut marquer l'esprit du plus grand nombre.




[commentaires à venir]

Lien de l'épisode : https://www.youtube.com/watch?v=jxwYYAubtpY


Musique écoutée pendant la rédaction.
Fiesta Pagana 2.0 - Mago de Oz

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