vendredi 25 avril 2014

Spotlight OFF : Giovanni



Script : 
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En 1996, alors que les World Appart cartonnent en France avec leur chanson « Je te Donne », dans le monde du bon goût, Resident Evil s'apprête à s'imposer au sein de la ludothèque PlayStation.
Au même moment, pendant que d'autres joueurs découvrent les joies de la plateforme 3D avec Mario 64, au japon, l'arrivée de Pokémon prouve que les consoles portables ont encore leur mot à dire.

Il faudra cependant attendre 3 ans avant que le succès devienne mondial et que nous puissions à notre tour profiter de l'ampleur du phénomène.

L'intrigue du jeu se déroule dans un monde imaginaire, ou le héros tente de devenir maître Pokémon. Et si l'aventure prend une part importante, c'est bel et bien en terme de RPG que le jeu s'affirme comme un must. Le but sera en effet de capturer de d'entraîner un maximum de Pokémon, au fil d'une histoire sans grande complexité.
La plupart des personnages rencontrés feront office d'adversaires, et si le respect et le fair-play caractériseront la majorité d'entre eux, c'est face à la Team Rocket que le joueur se voit accorder le rôle de réel justicier.
Présenté alors comme le chef de cette organisation malhonnête, c'est dans un sobre costume noir que Giovanni (plus connu au Japon sous le nom de Sakaki) endosse le mauvais rôle.
Et si en occident, son style vestimentaire et son nom italien ne sont pas sans rappeler la mafia sicilienne, c'est en faisant d'un casino son repère que le jeu assume cette même source d'inspiration.

Et pourtant, de l'autre côté du globe, les références sont tout autres.
En effet, si le personnage reste le même, l'idée du caïd mafieux s'éclipse au profit de l'image d'un pur yakuza. Ainsi, le casino n'est plus le symbole de la pègre, mais d'une communauté de joueurs professionnels appelée le bakuto, précurseurs de la mafia japonaise. Et si dans la culture occidentale, ils sont presque inconnus, au Japon, force est de constater que ceux-ci furent à de nombreuses fois représentés dans des œuvres de fictions ; comme ce fut le cas pour le personnage de Zatoichi.

Et alors que le personnage était tout indiqué pour être une critique de la cupidité, dans le déroulement du jeu, il en est autrement.
En effet, après avoir récupéré 7 des 8 badges nécessaires et en ayant à plusieurs reprises déjouer les plans de la Team Rocket, le joueur s'apprête à être témoin d'un coup de théâtre. Le dernier champion d'arène n'est autre que Giovanni lui-même.

Ainsi, le personnage passe de vil criminel à respectueux champion. Une dualité que lui seul peut se vanter de renfermer.
Et si cette double identité reste une marque des plus grand criminels, force est de constater que c'est bien sous le signe du respect que le personnage fera ses adieux, après s'être fait battre en tant que champion officiel.

Giovanni deviendrait-il ainsi le symbole d'une victoire du bien sur le mal ? Quand on se réfère au scénario du jeu, la réponse semble évidente. Et pourtant, c'est en se penchant sur le joueur lui-même que le doute s'installe.

Si le héros du jeu se voit être la personnification même de la justice et du respect, Giovanni lui, est présenté comme son parfait némésis. Un antagonisme plus fort encore qu'entre le héros et son rival.

Car si le joueur incarnera un protagoniste juste et honnête dans sa quête du pouvoir, Giovanni ne reculera devant rien pour s'entourer des Pokémon les plus puissants et les plus rares. Vol, escroquerie ou procédés immoraux, le personnage ira même jusqu'à être l'instigateur du clonage dans l'anime.
L'existence même du personnage, qui s'apparente alors au cliché d'un méchant indigne et malsain cache en fait un fait indiscutable : c'est bien de Giovanni et de Giovanni seul que se rapproche le plus le joueur.
Capture de masse, recherche de rareté et de puissance, exploitations de bugs, le joueur ne peut en vouloir à Giovanni, car lui non plus ne se soumet pas à la moral.

Même si le joueur suivra l'aventure et son scénario, c'est dans l'acquisition de Pokémon de plus en plus puissants que lui aussi prendra réellement du plaisir.

Ainsi, si le jeu nous est présenté avant tout comme une quête de soi et non du bien contre le mal, il est clair que le personnage, qu'il soit Giovanni ou Sakaki, nous fait poser la question de la moralité dans Pokémon.

A la fin du premier opus, Giovanni disparaîtra, et ne se montrera pas, même quand la Team Rocket tentera de se reformer dans les versions Or et Argent, sorties 3 ans plus tard.

Il faudra attendre leurs remakes, sortis en 2009 pour le retrouver et dans lesquels il sera révélé que celui-ci a un enfant. Un jeune garçon aux cheveux rouges, qui semble être nul autre que le rival du héros de ce même jeu, et dont les convictions ne sont pas sans rappeler celles du mauvais côté de son père.

Mais si Giovanni laisse derrière lui son heure de gloire, tout porte à croire que la question de la moralité sera un thème récurrent chez les méchants de Pokémon. Mais rarement dans un jeu vidéo, le vilain aura été aussi proche du joueur, qui est ainsi mis au centre de cet ambiguïté, contraint à s'opposer à celui qui lui ressemble.




[commentaires à venir]

Lien de l'épisode : https://www.youtube.com/watch?v=APmr8FBjmX0


Musique écoutée pendant la rédaction.
Pulstar - Vangelis

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